À partir du 1er janvier 2025, une transformation majeure attend les militaires français avec l’introduction d’une complémentaire santé collective, dont l’État financera 50 %. Cette évolution souligne les différences significatives entre l’assurance perte de salaire des militaires, telles que proposée par AGPM, et celle des civils.

En effet, la protection sociale des militaires présente des particularités uniques. Alors que 90 % des militaires en activité font confiance à Unéo, leur couverture répond à des besoins spécifiques liés aux risques accrus du métier. Cependant, contrairement aux civils qui dépendent de la CPAM, les militaires relèvent de la CNMSS, avec des modalités de remboursement adaptées à leur statut.

Dans cet article, nous analyserons en détail les différences essentielles entre la prévoyance militaire et civile, en examinant leurs spécificités, leurs avantages respectifs et leur fonctionnement au quotidien.

Les fondements des systèmes de prévoyance militaire et civile

La distinction entre les régimes de prévoyance militaire et civile ne date pas d’hier. Ces deux systèmes, bien que partageant certains principes, répondent à des logiques propres qui méritent d’être explorées en profondeur.

Origines et cadres juridiques distincts

La protection sociale des militaires s’articule autour d’un système spécifique né de la reconnaissance des particularités du métier des armes. La Caisse Nationale Militaire de Sécurité Sociale (CNMSS) a été créée en 1949, établissement autonome distinct du régime général, pour répondre aux besoins singuliers de la communauté militaire.

Le cadre juridique de cette prévoyance militaire repose sur plusieurs textes fondamentaux :

  • Les articles L. 713-1 et L. 713-3 du Code de la Sécurité Sociale
  • L’article L. 4123-3 du code de la défense concernant la protection sociale complémentaire
  • L’ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 sur la protection sociale complémentaire
  • Le décret n° 2023-605 du 15 juillet 2023 spécifique aux militaires

Contrairement au régime civil, les militaires ne relèvent pas de l’accord interministériel relatif à la protection sociale complémentaire des fonctionnaires. Cette distinction s’explique par le fait que cet accord a été négocié par des organisations syndicales dont les militaires sont exclus.

La CNMSS vs la Sécurité sociale classique

Bien qu’elle fonctionne selon des principes similaires à la Sécurité sociale classique, la CNMSS présente des particularités notables. Cet établissement public administratif est placé sous la double tutelle du ministère des Armées et du ministère chargé de la Sécurité sociale.

La CNMSS gère une population spécifique et bien définie. En 2019, elle s’occupait de 808 966 personnes, dont 45 % de militaires en activité, 21 % de retraités et 34 % d’ayants droit. L’affiliation y est automatique dès l’incorporation et l’entrée en service actif, sans démarche particulière à effectuer.

En matière de soins médicaux, les taux et tarifs pratiqués par la CNMSS sont identiques à ceux du régime général : 80 % à 100 % pour les frais d’hospitalisation, 70 % pour les consultations médicales et 60 % pour la plupart des dispositifs médicaux. Cependant, une différence majeure réside dans la prise en charge des accidents de service, exclus du périmètre de la CNMSS et relevant du code des pensions militaires d’invalidité.

Les principes de solidarité spécifiques à chaque régime

La solidarité militaire transcende le simple cadre administratif pour s’ancrer dans des valeurs propres à l’institution. L’esprit de corps, la fraternité d’armes et le vivre ensemble constituent les piliers de cette solidarité. Cette vision inclusive englobe non seulement les militaires eux-mêmes, mais également leurs familles.

Le statut militaire, défini dans le code de la défense, reconnaît explicitement que « l’armée de la République est au service de la Nation » et prévoit « des compensations aux contraintes et exigences de la vie dans les forces armées ». Cette reconnaissance légale des spécificités du métier militaire justifie l’existence d’un régime de protection sociale distinct.

À l’inverse, la solidarité civile s’organise davantage autour d’une logique professionnelle ou d’entreprise. Les régimes spéciaux civils fonctionnent sur la base d’une « solidarité restreinte à une profession ou à une entreprise », sans nécessairement partager cette dimension de fraternité qui caractérise le monde militaire.

Néanmoins, les deux systèmes partagent trois principes fondamentaux : l’égalité dans l’accès aux soins, la recherche de qualité des soins, et la solidarité entre les membres. C’est dans leur mise en œuvre concrète et dans leur philosophie sous-jacente que les différences se manifestent.

Couverture et garanties : comparaison détaillée

Risques spécifiques couverts par la prévoyance militaire

La prévoyance militaire, via le fonds de prévoyance militaire ou de l’aéronautique, couvre spécifiquement les risques inhérents à l’exercice de la fonction militaire. Contrairement aux assurances civiles classiques, elle prend en charge :

  • Le risque de décès lié au service
  • Les maladies ou blessures imputables aux opérations
  • L’état de stress post-traumatique, considéré au même titre qu’une blessure physique

Pour les militaires justifiant d’un taux d’invalidité de 10 % ou plus suite à une blessure, ou de 30 % pour une maladie, une pension militaire d’invalidité peut être attribuée. Par ailleurs, les militaires blessés en opération extérieure peuvent percevoir une allocation spéciale en cas d’invalidité égale ou supérieure à 40 %.

Notamment, l’option « Spéciale Mission » proposée par certains contrats de prévoyance militaire permet de couvrir les risques accrus liés aux opérations extérieures (Opex), intérieures (Opint) ou aux missions de courte durée (MCD).

Niveaux de remboursement des soins médicaux

Bien que la CNMSS applique des taux similaires à ceux du régime général, l’assurance perte de salaire pour les militaires présente des spécificités. Le militaire placé en congé maladie conserve sa rémunération et la durée de ce congé est assimilée à une période de service actif.

De plus, à partir du 1er janvier 2025, la mutuelle santé obligatoire et collective pour les militaires sera prise en charge à 50 % par le ministère des Armées. Cette réforme devrait entraîner une baisse moyenne de la cotisation du militaire d’environ 8 €.

Dans le cas d’une hospitalisation suite à un accident grave, la demande de pension militaire d’invalidité est constituée d’office par l’hôpital d’instruction des armées où le militaire est hospitalisé, ce qui n’est pas le cas dans le système civil.

Couverture à l’étranger : différences majeures

La couverture à l’étranger constitue un autre point de divergence significatif. L’assurance militaire prend en charge les atteintes à la santé des personnes accomplissant un service obligatoire ou volontaire, même à l’international. À compter du 1er janvier 2025, tous les militaires actifs affectés à l’étranger seront affiliés à UNEO dans le cadre de la mise en œuvre de la protection sociale complémentaire.

Pour prouver leur couverture à l’étranger, les militaires de carrière peuvent présenter leur carte d’assuré, tandis que les militaires de milice doivent produire un certificat d’assurance écrit.

Prise en charge psychologique et réadaptation

La prise en charge psychologique des militaires bénéficie d’un dispositif spécifique. Le Service de santé des armées propose un suivi médical et médico-psychologique dans la durée. Le dispositif « Écoute Défense » offre un service d’accueil et d’orientation armé par les psychologues cliniciens du SSA, accessible via un numéro vert (08 08 800 321).

Pour la réadaptation, plusieurs programmes existent exclusivement pour les militaires :

  • Le dispositif ATHOS, programme de réhabilitation psycho-sociale adapté à la singularité des blessés militaires psychiques
  • La reconstruction par le sport, pilotée par le centre national des sports de la défense (CNSD)
  • L’Institution nationale des Invalides (INI), qui participe à la réadaptation des blessés

Ces dispositifs témoignent d’une prise en charge globale, allant bien au-delà de la simple compensation financière proposée par les assurances civiles classiques.

Coûts et financement : deux approches différentes

Participation de l’employeur : État vs entreprises privées

Depuis le 1er janvier 2022, les agents civils et militaires de l’État bénéficient d’un remboursement partiel de leurs cotisations de mutuelle, à hauteur de 15 € par mois. Néanmoins, cette participation symbolique va connaître une évolution majeure.

À partir du 1er janvier 2025, l’État financera la moitié de la cotisation d’équilibre des complémentaires santé pour les militaires. Cette participation représente un engagement financier significatif de l’employeur public, particulièrement en comparaison avec le secteur privé, où les taux de prise en charge varient considérablement selon les conventions collectives.

Pour les militaires, cette participation employeur apparaîtra directement sur leur bulletin de solde. Ce système transparent permet de visualiser à la fois la contribution personnelle et celle de l’État.

Cotisations et primes : analyse comparative

Le système de cotisation militaire se distingue par sa structure tripartite spécifique :

  • Une part employeur correspondant à 50 % de la cotisation d’équilibre
  • Une part individuelle forfaitaire acquittée par le militaire (20 % de la cotisation d’équilibre)
  • Une part individuelle solidaire calculée selon un coefficient appliqué à la solde de base brute mensuelle

Par ailleurs, les militaires versent deux contributions additionnelles : une contribution d’accompagnement social (0,5 % des cotisations hors taxes) et une contribution au fonds d’aide aux ressources des bénéficiaires retraités (au moins 2 % des cotisations).

Les fonds de prévoyance militaire sont alimentés par des cotisations obligatoires prélevées sur la solde de tous les militaires. Pour les officiers généraux et supérieurs, ces cotisations mensuelles varient de 9,57 € à 22,08 € selon la composition du foyer fiscal. Pour les autres militaires non officiers, elles oscillent entre 3,27 € et 8,60 €.

La réforme 2025 et son impact financier

La réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) qui entrera en vigueur en 2025 représente un tournant majeur. Les militaires devront obligatoirement souscrire une complémentaire santé collective, comme les employés du secteur privé. Cette réforme concerne non seulement les militaires actifs, mais également les réservistes, les anciens militaires et leurs ayants droit.

Selon les études menées, cette réforme devrait engendrer une baisse moyenne de la cotisation du militaire d’environ 8 €. Ce gain de pouvoir d’achat, bien que modeste en apparence, s’inscrit dans une politique plus large d’amélioration des conditions matérielles des militaires.

Le ministère des Armées a référencé quatre organismes pour assurer les dépenses médicales des militaires et de leurs familles : Unéo, Harmonie Fonction Publique, Intériale et le groupement Fortego. UNEO prendra contact avec chaque militaire par courrier ou par mail pour finaliser les démarches d’affiliation avant le 1er janvier 2025.

Cette réforme s’accompagne également de mécanismes de solidarité comme la gratuité de la cotisation à partir du troisième enfant et un fonds d’aide pour les retraités, démontrant l’attention portée aux familles et aux anciens militaires.

Avantages fiscaux et sociaux spécifiques

Exonérations fiscales propres à la mutuelle des militaires

Les militaires bénéficient d’avantages fiscaux spécifiques liés à leur statut. Notamment, la retraite du combattant est totalement exonérée d’impôt sur le revenu, tandis que la retraite mutualiste du combattant l’est jusqu’à un plafond de 1 954 € pour 2023. Par ailleurs, les cotisations versées pour constituer cette retraite mutualiste sont déductibles du revenu imposable.

Un autre avantage significatif concerne les indemnités perçues lors de missions à l’étranger. Les Indemnités de Sujétions Spéciales à l’Étranger (ISSE) bénéficient d’une exonération fiscale totale en France. De même, les revenus des réservistes, qui exercent leur activité environ 30 jours par an, ne sont pas imposables, quel que soit leur grade.

Avantages exclusifs du statut militaire

À partir du 1er janvier 2025, les militaires bénéficieront d’une prise en charge par l’employeur à hauteur de 50 % de leur cotisation d’équilibre pour leur complémentaire santé. Cette réforme devrait entraîner une baisse moyenne de la cotisation mensuelle d’environ 8 €.

Les anciens combattants de plus de 74 ans profitent également d’une demi-part supplémentaire pour le calcul de l’impôt sur le revenu, avec un avantage fiscal plafonné à 1 759 € pour 2023. Si ce plafond est atteint, une réduction d’impôt complémentaire d’un montant maximal de 1 753 € peut s’appliquer.

Comparaison des prestations familiales

Les militaires, comme les civils, sont soumis à la législation fiscale et sociale de droit commun concernant les prestations familiales. Cependant, ils bénéficient d’un Supplément Familial de Solde (SUFA), équivalent du Supplément Familial de Traitement des fonctionnaires.

En cas de séparation, le SUFA peut faire l’objet d’un reversement total ou partiel lorsque les enfants sont confiés à la charge du conjoint ou ex-conjoint. Toutefois, contrairement à certaines allocations familiales, il n’est pas partagé en cas de résidence alternée.

Enfin, les militaires affectés à l’étranger peuvent prétendre aux Majorations Familiales à l’Étranger (MFE), quelle que soit la résidence de l’enfant, un avantage inexistant dans le système civil.

Gestion des sinistres et indemnisations

Procédures de remboursement : différences pratiques

Le militaire blessé en service bénéficie d’un système simplifié de prise en charge. En cas d’affection présumée imputable au service, la CNMSS rembourse à 100 % des tarifs de sécurité sociale les dépenses de santé effectuées en milieu civil. La procédure du tiers-payant est privilégiée, évitant ainsi l’avance de frais par le militaire.

Par ailleurs, lors d’une hospitalisation suite à un accident grave, la demande de pension militaire d’invalidité est constituée d’office par l’hôpital d’instruction des armées où le militaire est hospitalisé. Contrairement au régime civil, ce déclenchement automatique de la procédure d’indemnisation constitue un avantage considérable.

Pour les prestations non remboursées ou occasionnant un reste à charge, les titulaires d’une pension militaire d’invalidité peuvent solliciter des aides financières auprès de la commission des secours et des prestations complémentaires (CSPC).

Délais de traitement et d’indemnisation

Les délais de traitement sont généralement plus courts dans le système militaire que dans le régime général. Néanmoins, les demandes d’indemnisation complémentaire doivent respecter un délai strict de 4 ans à compter du premier jour de l’année suivant celle de la date de consolidation des blessures.

Un portail d’indemnisation complémentaire (PIC) est actuellement en développement pour simplifier les démarches des militaires blessés, leur permettant de déposer une demande dématérialisée et de suivre son cheminement.

Prise en charge des accidents de service vs accidents du travail

En cas d’accident de service, le militaire peut prétendre à une indemnisation de préjudices spécifiques :

  • Souffrances physiques et psychiques
  • Préjudice esthétique
  • Préjudice d’agrément (impossibilité de continuer certaines activités)
  • Préjudice d’établissement (impossibilité de fonder une famille)
  • Préjudice sexuel

Ainsi, tandis que le salarié du secteur privé doit déclarer son accident du travail dans les 24h et attendre la décision de la CPAM, le militaire bénéficie d’un système plus adapté à sa situation. En effet, les militaires blessés ou malades en service bénéficient d’un droit à réparation spécifique, expression du devoir de réparation et de reconnaissance de la Nation.

Les différences entre une prévoyance militaire et une prévoyance civile

Les différences fondamentales entre la prévoyance militaire et civile reflètent parfaitement les spécificités du métier des armes. Certainement, le système militaire offre une protection plus adaptée aux risques particuliers encourus par les forces armées.

La réforme majeure de 2025 marque une évolution significative dans la protection sociale des militaires. Cette transformation apportera une meilleure prise en charge financière, notamment grâce à la participation de l’État à hauteur de 50 % des cotisations.

Les militaires bénéficient également d’avantages fiscaux exclusifs, d’une gestion simplifiée des sinistres et d’une couverture étendue à l’international. Ces éléments constituent un système de protection sociale complet, répondant aux besoins spécifiques de la communauté militaire.

La prévoyance militaire ne représente pas uniquement une assurance classique, elle incarne la reconnaissance de la Nation envers ceux qui s’engagent pour sa défense. Cette protection sociale distinctive témoigne de l’attention particulière portée au bien-être des militaires et de leurs familles.

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